"Loin, loin de toi, se déroule l'histoire mondiale, l'histoire mondiale de ton âme."
(Franz Kafka, Préparatifs de noces à la campagne.)

L'HISTOIRE MONDIALE DE TON ÂME est le titre générique d'un grand ensemble dramatique en devenir,
composé de "plateaux" de 30 minutes, en trois mouvements, pour trois interprètes.

544 pages 
ISBN 978-2-84681-574-1
Prix : 23.00€

HMDTA T2 COUV DEF PTE 1

448 pages 
ISBN 978-2-84681-658-8
Prix : 23.00€

INFOS :
Sur le site des Solitaires Intempestifs ICI


Théâtre de parole — ou plutôt de voix —, où dialoguent, se contredisent, s’interpellent morts et vivants, victimes et bourreaux, êtres de fiction et figures du réel, auteur et interprètes… 
Théâtre-récit, peuplé d'identités assignées à résidence existentielle en quête d’émancipation, de sortie de route, de salut…
 
Un archipel dramatique rhapsodique (en ceci qu’il présente une hétérogénéité délibérée de modes, de tempos, de registres et de tonalités...), et rhyzomique (en cela qu’il court souterrainement d’un « plateau » à l’autre, sans souci de logique ou de hiérarchie, et prolifère librement à la manière des flux et des connexions d’images de sons et d’infos qui tissent notre « impossible réel » contemporain…)

Tome 1 : 2019 (pièces écrites en 2016-2018)

Tome 2 : 2023 (pièces écrites en 2019-2020)

Tome 3 : inédit (pièces écrites en 2021-2023)

Tome 4 : en cours d'écriture


"Projet insensé, délicat, qui entend moins percer qu’exposer l’énigme. Le théâtre s’autorise, de lui-même, une parole, des paroles, qui n’existent pas, qui ne peuvent pas exister. Elles ne concurrencent pas la réalité. Car tout est autrement possible sur une aire de jeux qu’hantent fantômes et spectres, le langage y occupe une étrange fonction, les morts se mettent à causer, l’ assistance s’ interpelle, s’ invitent les poètes, etc. Les faits qui pourraient être divers changent de statut. Ils se réagencent et se dénaturent, non pas à des fins politiques, éthiques ou thérapeutiques, mais
disons prototypiques : des prototypes d’ humanité. (...) Cette humanité s’agrandit, à tâtons, toujours recommencée, riche de ce que projette un collectif d’inconscients : une assemblée d’âmes."
Extrait de la préface d'Olivier Neveux au tome 2.

"...ce que raconte chacune de ses fables : une lutte de chaque instant entre des individus pris, voire écrasés, dans la pesanteur de leur existence, et qui traquent le moment et le lieu d’une émancipation possible. Non que l’émancipation ait lieu, ou qu’elle soit arrachée pour toujours : les trajectoires des récits témoignent plutôt de moment où quelqu’un·e décide, soudain et parfois brièvement, de ne pas renoncer."
Arnaud Maïsetti, 2022.


Les 18 plateaux du 1er tome :

L’ADIEU AU THÉÂTRE (métathéâtre 1)
Le trio de comédiens qui constitue le noyau de la compagnie du Théâtre Anatomique, qui administre le lieu éponyme — une petite salle d’une centaine de places —, répète un  duo dramatique mis en scène par Max et interprété par Judith et Seymour.  L’ennui et le sentiment de ne pouvoir s’empêcher de rejouer toujours le « même » spectacle mettent la joie en berne et le travail en panne. L’addiction alcoolique de Judith, ajoutée à l’impatience du jeune Seymour, aggrave la crise — laquelle occasionne des courants d’air bienvenus sur la scène du petit théâtre…
la leçon de théâtre c'est que l'homme de théâtre c'est celui qui ne comprend rien — or la plupart des gens de théâtre sont persuadés de mieux comprendre le monde que la plupart des spectateurs — le meilleur théâtre c'est celui qui dit « je ne m'explique pas » — je ne m'explique pas l'amour / je ne m'explique pas l'espoir / je ne m'explique pas le renoncement — et je ne m'explique pas qu'il y ait tellement de choses que nous ne nous expliquions pas — le théâtre c'est l'éloge de la perplexité — quand on me dit « mort du théâtre » j'entends « triomphe de la solution » / « solution finale de la pensée » — je sais donc je suis — black-out !
 
PASSÉ LE PONT
Une écrivaine de  renommée internationale est convoquée et interrogée par un flic retors.
je suis un policier passablement inculte madame Erkan / et je ne raterais pour rien au monde l'occasion d'apprendre de la bouche de la plus grande écrivaine vivante s'il y a ou non un problème de droits démocratiques dans ce pays
 
CE CÔTÉ DU PARADIS
Virgile est universitaire. Qualifié par ses pairs de « sémiologue psychédélique », il se présente volontiers lui-même comme « prof schizophrène ». Léa, sa compagne, est journaliste. Elle  s’apprête à interviewer Paul, fraîchement sorti de prison, après 15 années de détention sanctionnant le meurtre d’un prêtre qui l’avait abusé sexuellement au collège. S’ensuivent quitteries en cascade et redistribution des rôles (l’écrivain se fait éditeur, l’ex-taulard correcteur, la journaliste romancière à succès….)
j'ai pris l'écriture comme on prend la parole / même quand on n'a rien à dire / comme on la prend pour se sortir de l'ornière du silence / de l'ornière du mutisme et de la nuit — est-ce que cela fait de moi une tricheuse ? un imposteur ? — avez-vous noté qu'il n'y a pas de forme féminine pour imposteur ? — si vous voulez commettre une imposture vous êtes condamnée au masculin — peut-être que je suis un genre de femme plutôt de genre masculin — je quitte pour éviter qu'on m'abandonne ou me trahisse — j'éjacule de l'écrit je me répands j'ouvre ma gueule je m'introduis — ce côté-ci du Paradis est un théâtre — ce théâtre est un jeu de massacre — un jeu ET un massacre
 
LE TRUC
Zkl est un artiste corporel. Cette star du happening et de la performance vient de concevoir le projet d’un « homme monochrome » en hommage à Yves Klein.
le risque en art ne consiste plus à risquer de décevoir ou de heurter mais à enclencher de l'irréversible / de l’incontrôlable
 
CE QUE MLADA APPELAIT BARBARA
Mlada, jeune prostituée exerçant sous le nom de Barbara, a été retrouvée morte dans un terrain vague, étranglée après avoir été torturée et violée. Victor est chauffeur de taxi. Il faisait partie des clients réguliers de Barbara. Alina est  militante d’une association luttant contre les violences sexistes et sexuelles ; elle traduit les témoignages recueillis auprès des consœurs de Barbara, tandis que chez elle son mari s’enfonce dans la dépression. Dans le taxi de Victor, Carol, de retour de Cotonou où elle est revenue enterrer un mari quitté quinze ans plus tôt, se demande à quoi peut bien ressembler, s’il existe, le dieu qui a conçu l’humanité — et si la vertu elle-même ne serait pas « une sorte de vice ».
je gamberge pas mal en conduisant — je me dis que ces filles ont peut-être tout compris à l'existence et nous / je veux dire tous les autres / rien du tout — vendre sa force de travail ou son cul au fond quelle différence ça fait ? — je lui disais pour rire « moi je transporte mes clients à l'aéroport et toi au septième ciel » — mais qu'on soit chauffeur de taxi ou pute on ne fait jamais que le nécessaire pour survivre — ni l'un ni l'autre n'emmène quiconque au Paradis
 
POUR VOIR
Ted est photographe. Dans le train qui le ramène d’une exposition rétrospective à l’étranger (célébrant son soixantièrme anniversaire), il se fait passer à tabac et en réchappe de peu. Quelques années plus tard, il lui semble reconnaître en Salomé, sa nouvelle modèle, une jeune femme qui l’a visité quotidiennement durant son coma. Carrie, son épouse, reconnaît quant à elle dans cette nouvelle accointance les circonstances de leur propre rencontre, quarante ans plus tôt.
vous êtes vivante — c'est ça que j'ai pu voir sur la page du magazine en dépit de la photo exécrable — j'ai vu que même une photo exécrable ne parvenait pas à vous changer en chose morte — ce que vous avez que même une photo exécrable ne peut pas vous piquer / ce que vous avez que je n'ai plus / voilà ce que je voudrais saisir
 
QUI SUIS-JE ?
Sur la table de dissection d'un institut de médecine légale, un individu non identifié renâcle à livrer ses secrets, petits et grands.
je n'ai pas aimé aimer mais j'ai aimé y croire — je vous dis tout mais je ne vous apprends rien — me voici à poil comme Diogène qui n'entrait dans les théâtres qu'une fois le spectacle terminé
 
YO LO VI
Alors qu’elle couvre le conflit syrien, Johanna, grande reportrice, est mortellement blessée par l’explosion d’un camion piégé conduit par une jeune combattante islamiste. Tandis qu’il la photographie sur son lit d’hôpital, Frank, son ex-compagnon, se remémore les moments de leur vie commune, jusqu’à leur rupture récente. Peu de temps avant l’attentat, un cinéaste vient en Syrie proposer à Johanna d’être le sujet de son prochain documentaire.
j'ai vu son visage derrière le pare-brise derrière le volant derrière ses mains cramponnées de kamikaze — et j'ai pensé / mais comment aurais-je pu penser quoi que ce soit ? — j'ai entraperçu son visage et j'ai / ah oui explosé — et c'est cela qui m'est resté en tête comme une pensée — et davantage qu'une pensée / une révélation / ce que les anglais nomment insight / vue intérieure — soudain là tout de suite tu SAIS / même si tu ne sais pas nommer ce savoir / ce jour qui t'avale — le blast est ce léviathan de lumière qui t'engloutit et t'emporte à vitesse supersonique dans ses abysses — puis la nuit tombe sur cette lumière et s'emploie à t'anéantir
 
N'IMPORTE QUI
La patronne d'une petite entreprise de transport planche tard le soir sur ses comptes. Survient un homme dont elle n'a pas cru bon de retenir la candidature au poste de comptable…
je vous regarde comme je regarderais n’importe qui d’autre – je suppose que vous allez me dire que vous n’êtes pas n’importe qui ?
 
TROU NOIR
Un meurtre ordinaire dans une ville moyenne. Aussi banal qu’épouvantable. Aussi épouvantable qu’inévitable, précisément parce qu’il était écrit dans la fiction sociale que ces deux-là ne pouvaient pas, ne devaient pas se rencontrer.
parce que vous ne voyez pas ce que je vois — quand vous voyez un caillou ou un arbre vous ne voyez rien — je suis du côté des cailloux / vous du côté des routes et des cimetières — je pousse entre les arbres / vous ramassez les feuilles — vous ne voyez pas qu'un jour tout le monde vivra comme moi — ce n'est pas pour demain mais ne vous en faites pas ça vient
 
D’ICI À NULLE PART
Jorina et ses parents, Ucan et Renata, saisissent l’opportunité de l’ouverture momentanée des frontières de leur pays pour prendre le chemin de l’exil. En Allemagne, dans un centre d’accueil de migrants, Jorina fait la connaissance de Werner, un travailleur social qui va devenir son mari. Après le décès d’Ucan, secrètement très malade depuis leur départ, Renata renonce à émigrer et revient dans son pays d’origine. Un été, Jorina en visite lui apprend que Werner et elle ont divorcé, qu’elle attend un enfant, qu’elle compte l’élever seule — et qu’elle a décidé de faire souche en Europe.
durant la première nuit que j'ai passée avec Werner j'ai rêvé que je creusais un abri dans une clairière au milieu d'une forêt immense — des chasseurs passaient avec leurs chiens et ils me demandaient ce que je faisais — je leur expliquais que je comptais habiter sous terre et je leur en vantais les avantages — ils se moquaient de moi et l'un d'eux qui avait l'âge de mon père m'expliquait qu'un trou de cette sorte dans la terre s'appelle une tombe / et j'ai soudain réalisé que j'étais tout bonnement en train de creuser la mienne — graben nicht dein Grab ! ne creuse pas ta tombe ! — bouclez vos valises / quittez vos mouroirs !
 
L’INTÉRESSÉE
Léa, Franck et Victor se déchirent à propos de leur mère : faut-il ou non la placer en maison de retraite ? Brutalement mise à nu par le conflit, la fratrie doit affronter à découvert les secrets, les dénis et les zones grises de l’histoire familiale.
pour ce qui est de déconner nous ne craignons personne — nos histoires d'amour-désamour aussi absurdes que nos frénésies de papa-maman — nous nous cramponnons à tout ce qui nous échappe et nous laissons filer tout ce qui passe à notre portée — nous n'avons pas appris à vivre — nous faisons la paix aux enterrements de ces étrangers que nous appelons nos proches — nous parlons pour renouer des liens imaginaires et nous déconnons à pleins tubes
 
DEUX PETITES VAGUES
Stéphane, magistrat, a trouvé en Mina — une escort qu’il fréquente depuis quelques années — , la solution à ses vélléités suicidaires.
non seulement je n'ai aucun amour-propre mais je me déteste avec une intensité qui te sidèrerait si seulement tu pouvais en prendre la mesure — c'est une expérience étrange de vivre une existence entière en compagnie d'un être pour lequel on n'éprouve que de l'exécration — en fait je n'existe pas — j'ai vécu cinquante ans dans l'ombre d'une créature qui m'est devenue insupportable — respiré mangé chié fait carrière baisé dans la peau d'un personnage exécrable / sous une identité que je n'assume plus — bref / à défaut de divorce / puisqu'il paraît qu'on ne saurait divorcer de soi-même / j'ai opté pour la séparation de corps
 
SUR LA PIERRE SÈCHE
Sean et Robert sont membres d’une milice frontalière, au sud des États-Unis. Une nuit, alors qu’ils ont repéré dans le désert la présence d’un migrant clandestin, les deux chasseurs sont brusquement changés en proie.
nous veillons à ce que tout le monde comprenne bien le sens du mot « frontière » — le monde a perdu ses marques — j'étais ange chien dans le système — système des no man's land et système des murs — mais un mur ne vaudra jamais un patriote armé d'un pick-up truck et d'un fusil à lunettes et d'une lampe torche et d'une paire de jumelles à infrarouges — j'étais un patriote armé je n'étais pas un mur / pas un nervis en armes / mais un homme dans son droit / homme de la ligne droite — géomètre diplômé / homme des tracés et des bornes — OK failli et désormais chômeur surendetté mais non moins patriote — je fumais du shit je baisais des putes — ivrogne et voyou sur les bords mais homme des limites-à-ne-pas
 
A GOOD STORY
À l'heure où 300 millions d'électeurs sont appelés à désigner le premier Président des États-Unis d'Europe, Jan Smrt, donné ultra favori par les sondages, tire des plans sur la comète…
a good story / voilà ce qui manquait pour faire la différence – les gens vont adorer – au fait il y a combien de vrai là-dedans ?
 
C’ÉTAIT ÉCRIT
Durant trente années, Jacques séquestre et asservit sexuellement sa propre fille, Maria, qu’il a eue avec son épouse, Maria-Angelina. De cette relation, naît Angelina — fille consanguine. Quand cette dernière fête ses 15 ans, Jacques porte son dévolu sur elle, et l’engrosse à son tour.
Tombée gravement malade, Angelina, qui a maintenant 25 ans, doit être hospitalisée. Une enquête est diligentée, Jacques est confondu. Tandis qu’il attend son procès en maison d’arrêt, les trois femmes sont prises en charge par un service hospitalier.
quand Angelina est venue au monde il l'a aimée comme si elle avait été sa propre fille — je veux dire elle était sa fille naturellement mais il aurait pu faire comme si elle ne l'était pas — l'acte de naissance portait la mention « de père inconnu » — je n'avais bien sûr aucun doute sur l'identité de ce soi-disant inconnu mais je le savais comme on respire / sans avoir conscience de respirer — ce savoir coulait dans mes veines / il n'était pas un de ces savoirs durement acquis par enquête ou apprentissage — il était / et cet « était » faisait comme une masse morte
 
LE PAYS DES FEMMES
Depuis le début du XXIe siècle des milliers de femmes mexicaines ont été violées, torturées et assassinées. Une anthropologue européenne enquête sur l’un de ces féminicides. L’enquête dramatique reconstitue un scénario plausible. Mais l’ombre portée du drame grise les contours de la bonne conscience européenne incarnée par l’enquêtrice.
vous cherchez des coupables / dit le Diable / vous ne trouverez que des rumeurs / des ombres fuyantes / de faux aveux et des dénonciations calomnieuses  — vous ne trouverez que des des fils de putes de nulle part — dans le désert au soleil couchant vous ne débusquerez que votre ombre — écartez donc les bras et regardez ce qui vous attend — dans les bouges de la ville vous ne trouverez que des gueules tordues pour vous cracher entre les bottes — et dans les rues le regard éloquent des narcos en virée dans leur cabriolet rouge à 1 million de pesos — et à la sortie des usines les signes de croix et les surdités de toutes celles qui sont en âge d'être retrouvées un jour à poil et dépecées parmi les immondices 
 
LES LIMITROPHES (métathéâtre 2)
Nouveau projet théâtral écrit et mis en scène par Max. Athènes, la nuit. La déesse Athéna fouille les poubelles d'un palace. Quelques heures plus tard, un attaché culturel d'ambassade, sortant promener son insomnie, enjambe son corps inanimé devant l'entrée de son immeuble…
nous traçons la limite et nous jouons avec elle — nous ne disons pas « voici le monde » ou « voici à quoi ressemble le monde » mais « rejouons le monde en partant des limites » / des limites et non pas du centre — reconsidérons le monde depuis son bord — comme des gamins qui considèrent la mer assis sur la jetée


Les 18 plateaux du 2è tome :

L’INCENDIAIRE
La « femme sans nom » est immigrée clandestine. Elle témoigne devant la caméra d’Elsa, documentariste, et de son chef-opérateur, Chayton. Visitant Chayton en songe, elle retisse les liens de ce dernier avec son grand-père, Ciqala — un indien dakota. Devenu incendiaire, « en guerre contre l’État », Chayton apprend en prison de la bouche d’Elsa le suicide en centre de rétention de la femme sans nom.
"quand je marche dans vos rues dans vos villes je me sens comme un objet urbain / un banc un panneau indicateur une poubelle — les policiers arrêtent les êtres humains pas les poubelles ou les bancs publics — si je me sens comme un être humain je suis en danger — donc je me change en chose et je suis le cours de la foule — si j'étais un bateau ce pourrait être noble mais je suis une bouteille de soda qu'on boit sans y penser avant de la jeter dans le fleuve depuis un pont — je suis très orgueilleuse à mes heures mais je me vois comme un déchet — un déchet inutile et polluant — tout à fait invisible parmi les monceaux de déchets que recrache la ville"

LA NATURE DE L'ORDURE
Le 3 juin 1968, Valerie Solanas, autrice du SCUM Manifesto (Society for Cutting Up Men – Association pour tailler les hommes en pièces) pénètre dans les bureaux de la Factory, à New york, armée d'un pistolet. Elle tire sur les trois hommes présents, blessant très grièvement Andy Warhol, et superficiellement le compagnon de celui-ci, le critique d'art Mario Amaya.
"ma première machine à écrire m'a été offerte par le type qui me tenait lieu de beau-père après le divorce de mes parents — la machine a fait son apparition dans ma vie en même temps que sa bite — comble d'ironie je suppose que la machine à écrire achetait mon silence"

LE GRAND PATAQUÈS
L’ambassadeur Kalmann est auteur de polar à ses heures. Picoleur et libertin, il devient un temps l’amant et le concubin de la jeune Léna — qu’il a connue stagiaire, dans une ambassade africaine. Un de ses romans devant faire l’objet d’une adaptation cinématographique, Kalmann, désormais en poste à Malte, invite le futur réalisateur dans sa résidence de La Valette, et l’abandonne aux bons soins de Léna.
"sommes-nous encore ensemble ? — je me souviens de la définition de Georg Cantor apprise au collège — « par ensemble on entend toute collection grand M d'objets petit m de notre intuition ou de notre pensée / définis et distincts / ces objets étant appelés les éléments de grand M » — Les Éléments de grand M ! / ça ferait un putain de titre de roman non ?"

TIE BREAK
Comme un film, ou un match de tennis, l’existence comporte un début, un milieu et une fin — « mais pas forcément dans cet ordre » (dixit Godard.) À 45 ans, Perrine endure un cancer de l’utérus avec la quasi-certitude de sa mort prochaine. Fascinée par le tennis, elle visionne en boucle le tie break de la 1/2 finale 2011 de Roland Garros, qui opposa Roger Federer et Novak Djokovic, après 3h40 de combat acharné.
"avant tu avais un homme aujourd'hui tu as un cancer — la cellule amoureuse se divise indéfiniment — amour-tumeur — mais c'était quand l'amour ? — l'amour c'est toujours avant — avant les implications amoureuses — et ce qu'implique l'amour n'est déjà plus l'amour — mais c'était quoi l'amour ? — un sentiment — un ressenti — ressentiment"

MEURTRE SANS SUJET (métathéâtre 3)
Le samedi 16 novembre 1980 le philosophe Louis Althusser étrangle à mort Hélène Rytmann, son épouse, dans leur appartement de fonction de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, à Paris. En quête de justice et de justesse, le Théâtre Anatomique réouvre sur scène le dossier de ce « meurtre sans sujet » — à tout le moins sans auteur ni coupable, puisque le philosophe a été jugé pénalement irresponsable.
"il y a plusieurs hypothèses — suicide altruiste / ma femme ne voulait-elle pas mourir ? — meurtre de la mère / ma femme n'était-elle pas ma mère ? — meurtre du père / ma femme n'était-elle pas quelque part mon père ? — meurtre du communisme / ma femme n'avait-elle pas été mon initiatrice au combat communiste ? — mon propre meurtre / ma femme n'était-elle pas l'être que je chérissais le plus au monde ? — meurtre de mon analyste / ma femme n'était-elle pas en cure avec lui ? — meurtre de la philosophie / un imbécile a commis un graffiti à ce sujet sur le mur de l’école  / « LE PHILOSOPHE MARXISTE A TOUJOURS RÊVÉ D’ÊTRE UN TRAVAILLEUR MANUEL »

MONUMENT PUBLIC
Dans le Musée d'Art Contemporain où ils se sont rendus ce dimanche après-midi, Brice et Béatrix pénètrent dans une salle qui accueille une installation : une cinquantaine de personnes sont assises sur des gradins de théâtre et dévisagent en silence les visiteurs.
"l'art ça consiste à se jouer du réel — et le réel c'est la métamorphose — mon agent immobilier devient mon amant qui devient le père de mon enfant qui devient mon ennemi mortel — la mer se métamorphose en tempête qui se métamorphose en naufrage — quoi de plus réel qu'une mer ? / quoi de plus réel qu'une noyade ? — lors d'une sortie en voilier mon ennemi mortel dessale en mer — quoi de plus réel que la disparition d'un être haï ?"

TEMPS MORT
Abel aura passé les deux tiers de sa vie adulte en prison. Dans sa cellule mentale, coexistent le jeune homme qu’il était lors de son premier séjour en prison, le taulard endurci et amer qu’il est devenu au fil des ans et des incarcérations, et le sexagénaire taquinant la métaphysique, à l’heure de son ultime élargissement.
"durant toutes ces années il n'y a pas eu un seul jour où je n'aie pas regretté d'être celui que je suis devenu plutôt qu'un certain nombre d'autres que j'ai vu devenir ce qu'ils sont / et que je ne serai jamais — après quand je vois à la télé à quoi s'est mis à ressembler le futur / je me dis que j'aurais eu meilleur compte à prendre le temps de faire quelque chose de ma vie / plutôt que de la perdre à me prendre la tête avec tous ceux qui me prenaient pour ce que je n'étais pas"

SYLVIA PLATH A TROUVÉ LES MOTS
Julie vient de sortir de la prison où elle a été détenue durant 15 ans pour le meurtre du compagnon de sa sœur Jackie, devenu son amant. Justine, la fille de Jackie, est aveugle. Encouragée par Julie, elle cherche à s’émanciper de la tutelle de sa mère, en dépit de son handicap. En prison, Julie a découvert l’œuvre de Sylvia Plath. Ses poèmes l’ont aidée à survivre et lui ont donné la force de mener des études supérieures. Aujourd’hui diplômée en logistique humanitaire, elle s’apprête à rejoindre une ONG au Nigéria. De l’autre côté des mots, des projets affichés et des conversations convenues, continue de se dérober — mais pour combien de temps encore ? — la vérité sur la mort du père de Justine, et sur la vie qui croît en secret dans le ventre de cette dernière.
"l’aveugle ne voit pas les visages mais elle voit les mots — je vois les mots tomber entre vous deux et s'esclaffer comme des fruits pourris — ne faites pas semblant de croire que le vent se lève — les mots tombent de l’arbre parce qu’ils sont morts — pour me désennuyer j’écrirai un poème sur l’ennui — je m'adresserai à lui et j’écrirai « tu pèses sur mon ventre et sur mes épaules » — je dirai que l’ennui a une gueule / qu’il a une masse et une vitesse — poème / problème — équation bourrée d’inconnues écrite par une inconnue — ce sera mystérieux ce sera bizarre ce sera moi — moi et l’ennui / moi et l’ennui de moi / moi et l’ange de l’ennui"

LES YEUX DE LA TÊTE
Ingrid Bonhomme a fait fortune en commercialisant une méthode « révolutionnaire » de résilience et d’affirmation de soi. Léa, jeune et très séduisante stagiaire, chaque jour un peu plus proche de la directrice, menace le pouvoir de Christine, collaboratrice de (trop) longue date d’Ingrid Bonhomme. Cette « réplique » fictionnelle du crime des sœurs Papin (le 2 février 1933, au Mans, Léa et Christine Papin, employées de maison, assassinent et mutilent leur patronne, Mme Lancelin, et sa fille Geneviève.) rejoue l’incoercible besoin des esclaves de se soustraire au regard de leurs maîtres — fût-ce en leur arrachant les yeux.
"Madame Ingrid a pris la p'tite Léa pour une conne — mais ce n'est pas le pire / le dernier mec qui m'a baisée m'a aussi prise pour une conne — à l'heure qu'il est il doit boire des coups en racontant à ses potes comment cette petite conne de Léa s'est laissée prendre à son baratin à deux balles — ce qui n'est pas passé c'est qu'elle m'ait prise pour une ordure — les ordures sont persuadées que tous les autres sont des ordures"

L’INCROYABLE DÉFI
Jeannot Leroy s’apprête à battre en appartement le record de traversée de l’Atlantique à la rame, (détenu depuis 1980 par Gérard D’Aboville, qui avait parcouru les 5200 kilomètres en 71 jours.) Coaché par sa mère et sa grand-mère, le jeune champion s’est préparé très sérieusement. Après avoir ramé en solitaire durant un mois et demi dans son garage, relié à son entourage par un dispositif vidéo, Jeannot est contraint de renoncer : une tendinite à l’épaule et une inflammation du périnée ont eu raison de ses rêves de record et de gloire. Il abandonne, ingurgite un litre de vodka et fait un coma éthylique au volant de sa voiture, laquelle achève sa course dans une vitrine de restaurant… Cabossé mais sauf, Jeannot se demande à quoi peut bien ressembler ce qu’on appelle « la vraie vie ».
"je rame droit mais je pense en zigzags — je papillonne / je ne m'arrête sur rien — est-ce que je sais seulement ce que je pense ? — à l'entrainement je m'oblige quelquefois à penser à la mer — je me vois en train de ramer au milieu de l'Atlantique — à endurer les baquets de flotte glaciale et salée que me balancent les vagues — je ferme les yeux / je rame de plus belle et je pense « sauve ta peau Jeannot / rentre à la maison » — quand vous ramez toute la journée dans un garage vous pensez au grand large / vous pensez aux aurores boréales / vous pensez à cette immensité et vous pensez à l'impossibilité de penser à tout ce qui se passe dans les moindres recoins de la planète et de l'univers au moment même où vous pensez en ramant — et ça vous file le vertige — alors vous pensez APPUI / DÉGAGÉ / REPLACEMENT / PRISE D'EAU — APPUI / DÉGAGÉ / REPLACEMENT — et ainsi de suite / à l'infini"

MALGRÉ TOUT
Suite à l’invasion militaire de leur pays, les femmes restées en ville sont victimes de viols systématiques par les soldats de l’armée d’occupation. Elvira décide de jouer son va-tout en devenant la maîtresse d’un officier ennemi, afin de bénéficier de sa protection. Lors de la contre-offensive, l’officier est fait prisonnier et condamnné pour crime de guerre.
"je me dis que l'anéantissement de l'espèce est au programme de toutes les sociétés humaines / mais que la chaîne vitale est plus forte que les forces mortifères qui nous assiègent — et je pense aussitôt qu'une telle pensée a quelque chose de mièvre et de naïf — et aussitôt après je pense que je me fiche éperdument de savoir ce qu'il convient de penser de ce genre de pensée / puisqu'elle me rassérène et me console / et me donne le désir de continuer à vivre — c'est qu'une telle pensée dessine quelque chose de plus grand que moi / de plus grand que nous / de plus grand que l'humain"

CHAIR DE MA CHAIR
Aux Cortes, le député madrilène d'extrême-droite Cristóbal de Soriano ferraille contre un projet de loi légalisant l'avortement. Pendant ce temps, dans la demeure familiale, un évènement tragique exacerbe jusqu'à l'intenable secrets et contradictions.
"je me suis jetée sous le métro dans la station Gran Via sur le quai de la ligne 5 en direction de Casa de Campo — juste avant de courir à la rencontre de la rame qui entrait en gare j'ai demandé l'heure à une femme obèse qui consultait l'écran de son smartphone — 8h32 — puis le monde a explosé"

LES FAUVES BLESSÉS
Rencontre entre une desperada libertaire, co-autrice d'un passage à l'acte catastrophique ayant causé la mort de 5 personnes, et un jeune flic « lucide et désespéré »...
"tu arbores ta jeunesse comme une blessure de guerre — tu frissonnes d'épuisement et de trouille — je peux prendre la mesure de ton extrême fragilité — une toute jeune fille anéantie que les journaux du matin baptiseront « la tueuse de flics »

ON A GAGNÉ !
Au cours des années 1970, les services secrets du Chili, de l'Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay ont mené conjointement une campagne de répression et d'assassinats des opposants aux dictatures d'Amérique Latine.
En Argentine, près de 5 000 opposants à la junte militaire ont ainsi « disparu » lors de leur incarcération dans les nombreux centres de détention alors en activité, et en particulier dans le plus importants d'entre eux, aménagé dans les locaux de l'ancienne Escuela Superior de Mecánica de la Armada (ESMA), où Rafael Pereyra dit El Lobo (Le Loup) s’apprête à interroger sous la torture le jeune étudiant en médecine Ruben Simeone, arrêté pour détention de propagande subversive.
"je pense à tous ces fumiers libres comme l'air et amnistiés durant un quart de siècle au nom du nécessaire « point final » et de « l'obéissance obligatoire » — une fois j'en ai tenu un sous mon bistouri — je t'avouerai que j'ai été très tenté de commettre une maladresse chirurgicale irréparable"

IMMIXTION BECKETT
« L'amour, disait Jacques Lacan, c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas. » C'est la première fois qu'Alice et Daniel ont recours aux services d'un psy. Sans doute espèrent-ils tous deux trouver dans le cabinet du thérapeute conjugal la solution à leurs problèmes de couple. En tentant de reprendre la parole en leur nom propre — et non plus par l'entremise de Samuel Beckett...
"nous boxons contre nos ombres respectives en faisant semblant de les prendre pour l'autre"

MAUVAISE TÊTE
Pour sauver son épouse de la mort cérébrale à laquelle la condamne une mauvaise chute dans l'escalier de leur pavillon, Robert Tison donne son accord à une greffe intégrale de tête. Le donneur est un chauffeur-livreur d'une soixantaine d'années…
"j'ai l'impression que tu parles de chocolat — qu'importe le ballotin pourvu qu'on ait la truffe !"

JE EST UN AUTRE
« La vraie vie est la double vie », notait Stefan Sweig, qui ne regrettait rien tant que d'avoir publié sous son propre nom. Pour l'heure, le traducteur jusqu’à présent connu sous le nom de Benno Zweimann, fraîchement débarqué du Mexique, s'entretient avec Iris Lintade, son éditrice parisienne.
"tout bienséants que nous soyons nous flirtons passionnément avec la démence — et sinon la démence du moins l'abîme — nous nous abîmons mon cher Gary / ce qui est du reste la façon de vivre la plus répandue — alcool tabac / drogues diverses / amours malheureuses — et schizoïdie"

COULISSE (métathéâtre 4)
La petite équipée du Théâtre Anatomique, défendue vaille que vaille par Max, son directeur artistique, fait l'expérience périlleuse et douloureuse des « violences au sein des alliances »…
"charme rompu — tout à coup ça ne te dit plus rien / ça ne te parle plus ne te chante plus — ton désir de théâtre trop manifestement indésirable — le désamour du prince te coupe l'appétit"


PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROJET DRAMATIQUE :

"Lignes de fuite" :

 

TRACT VIDÉO :

 

PRÉSENTATION À BÂTONS ROMPUS (theatrecontemporain.net) :

Plusieurs de ces pièces ont fait l'objet de présentations diverses (lectures, mises en espace, théâtre en appartement...) durant la saison 2017/2018, à l'invitation des Scènes du Jura et du Château Rouge, Scène Nationale d'Annemasse.

6 d'entre elles ont été représentées au Poche de Genève, du 1er au 14 avril 2019, mises en scène par Philippe Delaigue.

En mai 2021, 4 pièces ont été produites et diffusées par France Culture, dans le cadre de l'émission Fictions et Cie. Réalisation Pascal Deux. 

Durant l'automne et l'hiver 2021-2022, 8 pièces, mises en scène par Philippe Delaigue, ont été jouées en tournée à Lyon, Annemasse, Alès et Marseille. Voir chronique d'Arnaud Maïsetti, à lire ICI.

VIDEO DE PRÉSENTATION DE L'ÉDITION SCÉNIQUE 2022 :

 

EXTRAITS DE L'ÉDITION SCÉNIQUE 2021-2022 :

 


Traductions : espagnol (castillan).
Traduction(s) :
Fernando GOMEZ GRANDE | esp
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